07-Belvédère de la Plage

Eugène Peray, chef de l’équipe du sauvetage de Saint-Gingolph.

Naufrage de l’Hirondelle
Collection D. Mazza

13 janvier 1906, une date qui restera gravée dans ma mémoire, et dans celle de tout un village. Vers 17h30, j’aperçois un brick qui approche à plusieurs centaines de mètres en aval du village. Des éclairs agitent le ciel, j’ai un mauvais pressentiment. Avec raison. En une fraction de seconde, une terrible tempête aux allures de cyclone se lève ! L’embarcation se renverse et se retrouve fond sur fond, avec des vagues qui lui roulent dessus. Je me rapproche au plus vite du lieu de l’accident avec mes hommes. Je perçois 4 naufragés en détresse au bout du quai français, leur canot de sauvetage vient de s’abattre sur l’enrochement. Je n’ai pas froid aux yeux d’habitude mais là, contre un tel vent, j’interdis à quiconque de plonger. On lance une corde et on en retire deux. Les deux autres, transis et exténués, luttent contre les vagues. Sans hésiter, je saute sur les blocs à 5 ou 6 mètres en-dessous. J’en saisis un et le remets à un équipier. Une vague m’emporte mais je parviens tant bien que mal à rejoindre les roches. On me crie de revenir mais non, je tiens bon pour ce malheureux. Un nouveau coup de lames l’envoie dans les blocs, mes pieds glissent mais j’arrive malgré tout à l’attraper. Le ciel entend nos prières: une nouvelle montée d’eau soulève le naufragé qui peut être rattrapé au vol par des villageois. En lutte avec l’eau en furie, je parviens à lever un bras et on me tire de cet enfer. 

Lettre de Vive Félicitations à M. Duchoud par
la Société Internationale de Sauvetage du Léman
Collection Musée des Traditions et des Barques du Léman

Le cauchemar n’est hélas pas fini. On apprend qu’au moment du naufrage, le patron de la Marguerite-Hélène était dans le poste. Aux premières lueurs du jour, on rejoint l’épave. Je saute sur la coque, J’entends un premier bruit, puis un deuxième ! Miracle, c’est lui ! Les deux charpentiers qui nous accompagnent percent un trou, d’où sort Christin. Le malheureux est resté 17 heures dans son cercueil flottant ! Incroyable, hein ?

Pour nous, sauver nos compagnons était la meilleure des récompenses. Mais des Messieurs de Lausanne nous ont offert des médailles, une d’argent pour l’équipe et une vermeil pour moi. Ca rend fier, quand même !